L’épilepsie: état des lieux en 2017

Depuis toujours, l’épilepsie est connotée péjorativement. A contrario, il existe également un message discordant, mettant en exergue les épileptiques célèbres. Attention alors à ne pas idéaliser la maladie. Il faut lutter afin que cette maladie soit prise en charge comme toute autre pathologie, sans a priori.
Professeur Vincent Navarro, neurologue adultes, spécialiste de l’épilepsie à la Pitié-Salpêtrière de Paris

Qu’est-ce que la crise d’épilepsie ?
Le cerveau humain est composé de cellules, les neurones, qui dialoguent entre elles par des impulsions électriques. Tout est codé au niveau des cellules et le dialogue s’opère régulièrement de manière structurée. Le principe de la crise d’épilepsie, c’est que les cellules vont avoir une activité qui n’est pas organisée ou structurée. En cas de crise focale, un dysfonctionnement local du cortex peut induire un comportement inadapté. Le plus souvent, on peut trouver une région ou une partie du cerveau dans laquelle existent des anomalies de connexion qui vont générer sur le cortex cérébral une activité épileptique, qui va pouvoir s’étendre à tout le cerveau. Dans la crise généralisée d’emblée, liée à un embrasement massif de tous les neurones du cortex cérébral, on pense que la cause se trouve dans une anomalie de dialogue entre le cortex et le thalamus.
Cette distinction est importante et induit des prises en charge différentes.
Il existe une multiplicité de formes de crises et cela s’explique, car le cortex cérébral code pour toutes les fonctions de l’existence. Les crises peuvent comprendre, isolément ou conjointement, des hallucinations visuelles ou olfactives, une sensation de chaleur, des contractions involontaires, une douleur au bras droit, une sensation dans l’estomac ou une peur panique. En l’absence de crise généralisée, le diagnostic peut être plus difficile à poser.
Ainsi, la maladie se présente de manière extrêmement variable d’un patient à l’autre. De plus, l’épilepsie peut démarrer à n’importe quel âge. Toutefois, la fréquence de la maladie suit une courbe en U, avec des pourcentages importants d’épilepsies qui débutent dans l’enfance, une moindre fréquence à l’âge adulte et une recrudescence chez les plus de 60 ans, de plus en plus marquée après 80 ans. Il n’y a donc pas d’âge pour débuter une épilepsie.
Le retentissement de la maladie pour le patient est également extrêmement contrasté. Si l’épilepsie peut dans certains cas être un handicap mineur dans la vie quotidienne, elle peut aussi avoir des conséquences qui risquent de se révéler dramatiques pour le malade, notamment si elle débute tôt dans l’enfance, avec des crises très fréquentes posant des problèmes d’apprentissage ou se traduisant par des chutes fréquentes pouvant provoquer des traumatismes crâniens. Les vies des patients sont donc très différentes les unes des autres.

Les différentes causes de l’épilepsie
Il y a de multiples causes explicatives : l’épilepsie peut être liée à des causes génétiques, avec des formes familiales rares. Il peut aussi y avoir des causes métaboliques, que l’on peut aujourd’hui mieux observer grâce aux progrès de l’imagerie médicale, ou bien des causes neuro- dégénératives (sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer).
Le Professeur Navarro a également fait un point sur la recherche en 2017 concernant les causes curables de l’épilepsie. Il évoque tout d’abord la causalité auto-immune : « Le système immunitaire se trompe et s’attaque à votre cerveau », explique-t-il, « les crises sont alors très fréquentes chez quelqu’un qui n’a pas d’absences ». On découvre de plus en plus de causes auto-immunes pour lesquelles on peut proposer des médicaments anti-inflammatoires. Le Professeur a ensuite évoqué la causalité métabolique en rappelant qu’elle est à l’origine d’une forme particulière d’épilepsie pour laquelle les médecins recherchent une cause précise sur laquelle intervenir. Enfin, a été mentionnée la sclérose tubéreuse de Bourneville, pour laquelle on peut proposer des médicaments spécifiques.

L’épilepsie, une maladie paradoxale
Si l’épilepsie est une maladie neurologique très fréquente (600 000 malades), certaines formes d’épilepsie sont plus rares. Les épilepsies rares sont des maladies très particulières, c’est pourquoi il existe un centre de référence des épilepsies rares qui gère ces maladies qui nécessitent tout un réseau de professionnels.

Le point sur les traitements
En ce qui concerne les traitements, il y a beaucoup d’antiépileptiques, même si certains provoquent parfois des déceptions. Certains médicaments ont une plus-value considérable, tandis que d’autres sont mis de côté, car moins efficaces. Tous les médicaments n’agissent pas sur la même cible. « Avoir différentes cibles nous permet d’espérer contrôler une maladie qui ne l’était pas auparavant », estime le Pr Vincent Navarro. Les chercheurs recherchent en permanence de nouveaux traitements avec les industriels du médicament. Toutefois, « les médicaments existants fonctionnent sur 75 % des patients, ce qui revient à dire que 25 % des patients ne sont pas contrôlés par un médicament, rappelle Vincent Navarro. On associe alors plusieurs médicaments, mais il existe des cas de pharmaco-résistance. »
Dans le cas d’une épilepsie partielle avec pharmaco-résistance, se pose la question de l’opération. Une chaîne d’intervenants se met en place. Il faut enregistrer les crises et identifier avec certitude le foyer épileptique avec l’IRM cérébrale. Si cet examen est normal, alors il faut rechercher d’autres arguments grâce à l’imagerie nucléaire. On étudie également la vascularisation du cerveau avec un traceur. Il arrive qu’on ait recours à l’exploration EEG intracérébrale, un geste certes invasif, mais qui représente parfois le seul moyen pour identifier les crises. S’il n’y a pas de conséquences graves (type hémiplégie), on peut opérer et espérer une guérison complète dans 50 à 80 % des cas. Cela vaut la peine de se lancer dans ce type de bilan mais, malheureusement, au terme de cette longue investigation, on ne peut pas toujours opérer.
D’autres solutions existent cependant : on peut mettre en place un stimulateur du nerf vague, avec des résultats variables.

Comment prendre en charge l’épilepsie ?
Il faut tout d’abord faire le bon diagnostic : épilepsie ou pas ? Focale ou généralisée ? Puis rechercher une ou plusieurs causes grâce aux examens complémentaires. Enfin, il faut traiter si possible la cause, ou prendre un traitement médicamenteux le plus adapté possible en respectant l’observance du traitement. « L’observance est un point très important : si vous souhaitez arrêter ou modifier votre traitement, il faut en discuter », soutient Vincent Navarro.
Il y a beaucoup de comorbidités, de troubles psychologiques, parfois de dépressions qui risquent d’altérer la qualité de vie des patients : les médecins doivent également les prendre en charge.
Pour conclure, il faut insister sur les progrès en perspective grâce à la recherche en neurosciences : magnétoencéphalographie (MEG), recherche sur l’anticipation des crises, recherche sur les facteurs génétiques et prédispositions, recherche fondamentale par l’étude des tissus humains, utilisation de modèles animaux dans la recherche sur l’épilepsie pour tester les hypothèses.


Témoignages & questions-réponses
Roxane Ode témoigne : « J’ai une épilepsie multifocale débutée à huit ans pharmaco-résistante, l’opération n’est pas possible. J’ai un chromosome 20 en anneau. Comment est-il possible que je sois née avec ce chromosome et que mon épilepsie ne se soit déclarée qu’à huit ans ? »
Professeur Navarro : « C’est possible d’avoir une épilepsie liée à un facteur génétique qui n’apparaisse qu’à un moment T de la vie. »

• Pauline Keravec témoigne : « Je suis épileptique depuis mes 14 ans. Après la pose d’un stimulateur du nerf vague, encore en phase de réglage, j’ai des crises moins fréquentes et moins violentes. »

• Question dans la salle : « La maladie cœliaque peut-elle donner de l’épilepsie ? »
Professeur Navarro : « C’est possible, de façon directe ou indirecte, mais l’épilepsie peut également être multifactorielle. »

• Question dans la salle : « Après la pose d’un stimulateur à ma fille, j’ai l’impression qu’il y a un progrès. Combien de temps faut-il attendre pour porter un jugement ? »
Professeur Navarro : « On constate une amélioration d’année en année : il faut être patient. »

• Question dans la salle : « Quand faut-il remplacer la pile ? »
Professeur Derambure : « La durée normale d’utilisation est de 7 ou 8 ans. »

• Question dans la salle : « Quelles contraintes avec un stimulateur ? »
Professeur Navarro : « Il est plus compliqué de faire une IRM après : il faut suivre un protocole précis. Pas de souci en revanche pour passer les portiques de sécurité dans les aéroports. »

• Question dans la salle : « En faisant abstraction de la Dépakine®, existe-t-il un lien entre autisme et épilepsie ? »
Professeur Navarro : « Certaines maladies qui vont donner des troubles autistiques donnent également de l’épilepsie. L’identification de certains gènes est en cours. »

• Question dans la salle : « Faut-il avoir une carte de porteur de stimulateur pour prendre l’avion ? »
Professeur Derambure : « C’est un outil qui est proposé au patient, mais on respecte la liberté de chacun, ce n’est pas obligatoire. En revanche, on conseille de voyager en gardant ses médicaments avec soi ainsi qu’une ordonnance. »

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