Épilepsie, travail et handicap : quelle est l’utilité de la RQTH ?
Épilepsie, travail et handicap : quelle est l’utilité de la RQTH ? Quand et pourquoi la faire établir ?
Intervenants
Dr Simone Fortier, neurologue et médecin du travail
Mme Gala Veloso et M. Fréderic le Provost, AGEFIPH
M. Nicolas Ferre, patient
M. Philippe Baur, patient
Que faire quand l’épilepsie devient un handicap pour le travail ?
La spécificité de l’épilepsie
Dr Simone Fortier
En introduction, le Dr Simone Fortier rappelle que l’épilepsie est une maladie polymorphe qui peut se manifester par des pertes de connaissance, des ruptures de contact, de la fatigue, des problèmes de récupération, ou des absences. Il existe également des comorbidités, des effets secondaires des traitements et le problème de la dette de sommeil.
La situation des travailleurs handicapés
Toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont réduites en raison de l’altération de fonctions physiques ou psychiques peut être considérée comme travailleur handicapé. Il existe toutefois une condition d’âge : avoir plus de 16 ans, sauf en cas de dérogation de l’inspecteur d’académie pour l’apprentissage.
La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH)
Pour le Dr Simone Fortier, il vaut mieux faire reconnaître sa situation même si on n’est pas obligé de se servir de cette reconnaissance. Comment faire ? La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé relève de la Commission des Droits à l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH). Il faut demander un dossier à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) du lieu de résidence. Attention ! Le document pour le certificat médical a été modifié en mai 2017, l’ancien document n’est plus valable. Le formulaire administratif, quant à lui, reste valable jusqu’à début 2019. Il y a 28 pages de dossier et 9 pages de certificats médicaux. Le dossier est à rendre entièrement complété. C’est un critère très important, que toutes les parties soient complétées, insiste le Dr Fortier.
Les cas de figures permettant de demander la RQTH
- Demandeur d’emploi n’ayant jamais travaillé.
- Travailleur déjà salarié qui est diagnostiqué épileptique.
- Modification d’une épilepsie auparavant parfaitement stabilisée.
Attribution de la RQTH
La demande doit être déposée à la MDPH du lieu de résidence du demandeur. En cas de demande de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) la procédure de RQTH est engagée d’office. Lors de l’attribution de la RQTH, la CDAPH précise pour quelle durée cette reconnaissance est accordée. En cas de désaccord avec le résultat de la commission, il faut demander un recours gracieux et passer au tribunal de l’incapacité.
Quels bénéfices ?
- Cela donne droit aux bénéfices de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Pour mémoire, les entreprises de plus de 20 salariés ont l’obligation d’accueillir 6% de travailleurs handicapés dans leur personnel.
- Possibilité de recourir à des stages de réadaptation, de rééducation ou de formation.
- Accès au réseau de placement de Cap emploi.
- Il existe un doublement de la durée de préavis en cas de licenciement.
- Accès à la fonction publique avec la possibilité d’aménager le temps de travail.
L’orientation Commission des Droits à l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH)
Les décisions de la CDAPH sont les suivantes :
1. Orientation vers le milieu ordinaire qui comporte :
- les entreprises sans spécificité qui ont l’obligation d’employer des RQTH quand elles ont plus de 20 salariés
- les entreprises adaptées
- les centres de travail à domicile
2. Orientation vers le milieu protégé :
- les ESAT (établissements et services d’aide par le travail), ancien CAT
3. Orientation vers :
- les CRP (centres de réadaptation professionnelle) pour participer à des formations professionnelles qualifiantes permettant le retour à l’emploi en milieu ordinaire
- ou vers les CPO (centres de pré-orientation) pour envisager un reclassement professionnel et élaborer un projet adapté aux capacités de l’usager.
Peut-on cumuler un travail et l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ?
Un emploi est cumulable avec l’AAH jusqu’à 80 % du SMIC horaire, cela fonctionne de la même façon pour les ESAT. Le Dr Fortier a transmis une note à la FFRE afin d’expliciter les règles de fonctionnement du cumul emploi/allocation.
Pour plus d’informations sur les allocations aux adultes handicapés (AAH), consultez notre site, rubrique Aide au quotidien – Dans l'entreprise
Les grands témoins de la FFRE
Témoignage de M. Nicolas Ferre
« Je suis épileptique depuis 10 ans. J’ai eu ma première crise en Angleterre : c’est un moment très difficile, car on ne comprend pas ce qui arrive, alors le faire comprendre aux autres… Pendant mes premiers stages, je n’avais pas de statut de travailleur handicapé et cela m’a beaucoup pesé. Depuis 4 mois, j’exerce un premier emploi et j’ai la RQTH. J’en ai parlé dans mon entreprise, je sais que mes collègues et ma hiérarchie sont au courant et sauront réagir si je fais une crise. Désormais je suis serein, ils savent comment réagir. Comme ça, je n’ai pas à me préoccuper d’autre chose que de mon travail et je suis heureux au travail. Cela m’a permis de faire découvrir ma maladie. Certains de mes collègues ont su s’intéresser, ils sont venus me voir pour me poser des questions. »
Témoignage de M. Philippe Baur
« J’ai eu une méningite dans l’enfance avec des convulsions, l’épilepsie s’est déclenchée ensuite. À l’époque, c’était compliqué. À 18 ans, j’ai pu arrêter les médicaments, puis l’épilepsie est réapparue, à 30 ans. Quand j’ai commencé à travailler, je n’en ai pas parlé parce que je n’étais plus concerné. Quand la maladie a redémarré, j’ai eu beaucoup de mal à le dire aux gens, j’en ai seulement parlé à quelques collègues de ma grande société (Allianz). Désormais, j’ai décidé d’en parler. J’ai scanné tous les documents de la FFRE et je les ai envoyés à Allianz France et Allianz Allemagne. J’aimerais que la Fondation vienne chez nous pour expliquer ce qu’est l’épilepsie. Il faut être solidaire et faire comprendre à tous le sens de ce mot.»
L’AGEFIPH
L’AGEFIPH, Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées, est un organisme paritaire qui existe depuis 30 ans. Mme Gala Veloso et M. Frédéric le Provost expliquent que sa mission est d’améliorer l’insertion des personnes handicapées dans l’emploi. Selon les dernières préconisations du conseil d’administration, il faut accroître la visibilité et la clarté de l’offre de service de l’AGEFIPH afin de répondre aux besoins de tout un chacun. La RQTH est essentielle pour accéder aux aides de l’AGEFIPH et aux services d’accompagnement vers l’emploi.
Les aides à l’accompagnement et au maintien dans l’emploi de l’AGEFIPH sont les suivantes :
- Primes à l’insertion
- Service pour les situations complexes animé par un prestataire
- Aide à la création d’entreprise
L’AGEFIPH anime et finance des services partenaires dédiés au recrutement et au maintien dans l’emploi.
Discussion
➔ Question dans la salle : « J’ai une épilepsie pharmaco-résistante, je n’ai pas besoin d’aménagement spécifique de mon poste de travail. J’ai obtenu la RQTH après avoir travaillé pendant 6 ans sans. J’ai été renvoyée de beaucoup d’emplois parce que je suis épileptique et pourtant je suis secrétaire médicale et même dans ce milieu, j’ai été renvoyée pour cette raison. Il y a vraiment une stigmatisation. Pendant une période d’essai, j’ai eu une dizaine de crises par mois. Cela m’est également arrivé lors d’une réunion. J’ai entendu : “Cela donne une mauvaise image de l’entreprise” ou “On ne peut pas prendre cette responsabilité”. Je suis donc actuellement au chômage, que puis-je faire ? »
Mme Gala Veloso et M. Frédéric le Provost : « L’AGEFIPH peut assurer une prestation en amont de la signature du contrat de travail, sensibiliser le futur employeur et l’équipe de travail. Il existe un guide élaboré par le Défenseur des droits sur le thème de l’aménagement raisonnable et une jurisprudence qui est en train de s’écrire. »
Le Dr Simone Fortier conseille dans ce type de circonstances de saisir l’Inspection du travail.
Témoignage : « C’est difficile de trouver du travail selon mon expérience. Personnellement, je n’ai pas parlé de mon épilepsie. De manière générale, on en a assez d’entendre “Vous êtes épileptique ? Alors on ne vous prend pas”, donc on ne le dit pas, c’est plus simple. D’ailleurs mon neurologue m’a conseillé de ne pas en parler. »
➔ Question dans la salle : « Je suis jeune et souhaite travailler dans l’aide aux personnes, Cap emploi me refuse et pourtant je suis réaliste, je prendrai mes responsabilités. En ce qui concerne l’AAH, j’en suis au troisième rendez-vous… Que puis-je faire ? »
Dr Simone Fortier : « Le projet de vie est très important pour la MDPH et pour avoir l’AAH c’est au neurologue d’argumenter sur la restriction dans le dossier. Vous êtes éligible à l’AAH, en cas de désaccord avec la commission il faut passer au tribunal de l’incapacité. »