Les femmes et l’épilepsie : cycles, contraception et grossesse
Il faut d’abord parler de l’épilepsie cataméniale, forme de la maladie dans laquelle 50 % des crises surviennent soit au moment des règles soit au moment de l’ovulation. L’épilepsie cataméniale correspond à 30 à 50 % des épilepsies chez les femmes et demeure parfois assez résistante aux médicaments.
Professeur Sophie Dupont, neurologue à la Pitié-Salpêtrière à Paris
La contraception
Pour les jeunes femmes épileptiques, la contraception doit être co-prescrite par le neurologue. En effet, les médicaments inducteurs enzymatiques ne sont pas compatibles avec la pilule, car ils favorisent sa dégradation par le foie et, de ce fait, la rendent beaucoup moins efficace. Les médicaments inhibiteurs enzymatiques, en revanche, favorisent la circulation des autres médicaments dans le sang et de ce fait, la prise de pilule est possible. De même, la nouvelle génération de médicaments neutres est compatible avec la pilule.
En conséquence, en cas de traitement avec des inducteurs enzymatiques, l’utilisation d’un dispositif intra-utérin (DIU) est une option à favoriser, y compris pour la jeune femme qui n’a jamais eu d’enfant grâce au stérilet de nouvelle génération.
En tout état de cause, « on recommande une contraception, car la grossesse doit être programmée », rappelle Sophie Dupont.
La grossesse
Pour toute femme enceinte se pose la question du choix de médicaments compatibles avec la grossesse. À cette problématique générale viennent s’ajouter deux questions supplémentaires pour les jeunes femmes épileptiques : quel impact des médicaments sur l’épilepsie ? Quel impact des médicaments sur le bébé ?
La grossesse doit se programmer avant même le désir de grossesse. Pour les jeunes femmes épileptiques, une grossesse ne sera pas contre-indiquée, mais il faudra peut-être revoir le traitement. C’est pourquoi il faut la programmer bien en amont.
Grâce aux grands registres de grossesse, mis en place à partir de 1997-1998, les connaissances de l’impact des médicaments antiépileptiques (AE) sur le bébé ont beaucoup progressé. La FFRE est notamment promoteur d’un registre/observatoire des grossesses sous antiépileptiques pour évaluer l’impact de tous les AE sur la grossesse (voir Recherches & Perspectives – décembre 2014).
Le cas de la Dépakine®
Quels sont les problèmes liés à la Dépakine® pendant la grossesse ? Tératogénicité, cognition et risque d’autisme…
Depuis janvier 2015, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) oblige tout médecin prescrivant de la Dépakine® à une femme en âge de procréer à lui donner à lire un formulaire d’accord de soin mentionnant le risque de grossesse sous Dépakine®. Ce formulaire d’accord de soin doit être signé par la jeune femme elle-même (ou par ses parents si elle est mineure). De plus, la délivrance de la Dépakine® en pharmacie est soumise à la présentation au pharmacien de cet accord de soin avec l’ordonnance d’origine du spécialiste. Cela concerne aussi bien les neurologues que les pédiatres ou les psychiatres et cet accord de soin doit être renouvelé annuellement.
La question de l’autisme est aussi posée. Une étude danoise a comparé l’état de santé de 600 000 enfants nés de mères non épileptiques ou de mères épileptiques traitées par Dépakine®. Pour les 508 enfants nés sous Dépakine®, on rencontre plus de troubles du spectre autistique (4,4 % par rapport à 1,5 % dans la population globale) plus d’autisme (2,5 % par rapport à 0,5 % dans la population globale). Certaines questions demeurent toutefois irrésolues, notamment celle de la dose dépendance. De plus, dans certains types d’épilepsie, la Dépakine® est le seul médicament efficace, et alors le risque lié au médicament doit être mis en balance avec le risque de mort subite et inexpliquée en épilepsie (SUDEP).
« Quand une femme veut un enfant, on enlève la Dépakine® le temps de la grossesse, indique le Pr Sophie Dupont. On ne veut plus prendre le risque de grossesse sous Dépakine®. On cherche également à diminuer l’instauration en première indication chez la jeune fille et on essaie d’abord toutes les autres possibilités. »
Comment préparer et suivre une grossesse ?
Comme nous l’avons souligné précédemment, il faut préparer très en amont la grossesse. Le neurologue doit rencontrer la patiente, la voir également avec son conjoint, réévaluer la nécessité du traitement, éventuellement changer de traitement, réduire le nombre de médicaments en cas de thérapie avec de nombreux médicaments. Il est nécessaire que le médecin informe correctement le couple et assure le suivi de la grossesse en lien avec le gynécologue, l’anesthésiste et le pédiatre. Si tous sont sur un même site, cela se fait par concertation, sinon par courrier.
Quand le désir de grossesse est affirmé, le médecin peut prescrire des folates et de la vitamine K pendant la période pré-conceptionnelle. Le suivi neurologique doit être renforcé pendant la grossesse, au moins au premier trimestre. Le dosage des médicaments dans le sang prescrit vers la fin de la grossesse chute.
Sur le plan obstétrical, les femmes épileptiques font partie du groupe des grossesses à risque, donc un suivi plus important de la grossesse s’impose. En revanche, il n’est pas nécessaire de procéder à un suivi EEG. La péridurale n’est pas contre-indiquée pour une femme épileptique. Par ailleurs, on ne pratique pas systématiquement d’accouchement programmé ou de césarienne, sauf en cas de forte recrudescence de crise à la fin de la grossesse.
En ce qui concerne l’allaitement, « les patientes ont du mal à s’y retrouver, car il n’existe pas de consensus », déplore le Pr Dupont. Actuellement, il y a un fort courant en faveur de l’allaitement, mais des hésitations demeurent du fait du passage des médicaments dans le lait maternel. La situation doit donc être évaluée au cas par cas, en fonction du désir d’allaiter de la femme et des médicaments qui sont pris.
À la ménopause, il peut y avoir des problèmes en cas d’épilepsie cataméniale, mais la situation s’améliore par la suite.
Témoignages & questions-réponses
• Roxane Ode témoigne : « Je suis en polythérapie, avec 11 crises partielles, une convulsive en janvier. J’ai un désir d’enfant, dois-je arrêter tout traitement ? »
• Pr sophie Dupont : « Non, le risque serait alors pour vous, en cas de crises convulsives fréquentes. Risque traumatique, voire risque de décès inexpliqué. Pendant la grossesse, on fait baisser le nombre de médicaments, mais on ne prescrit pas zéro médicament. Cela n’est concevable qu’en cas de crise sans grand impact. Votre neurologue va vous accompagner, il ne faut pas se dire qu’il n’y a pas de solution. Je reçois beaucoup de faire-part de naissance. Nous sommes dans la vie. »
• Question dans la salle : « La pilule est-elle protectrice par rapport à l’épilepsie ? »
• Pr sophie Dupont : « La pilule progestative peut bloquer les règles (les œstrogènes favorisant les crises), mais attention : la pilule n’est pas toujours contraceptive, compte tenu des interactions possibles avec les médicaments antiépileptiques inducteurs. »